samedi 22 novembre 2008
Réflexion de Capitaine Pierre
La vie des navigateurs
Quand on voit des gens partir en navigation pour des horizons inconnus, la première pensée qui nous vient est ‘’sont-ils tombés sur la tête ou devenus soudainement fous’’. Et puis on se dit qu’un jour peut-être que pour nous aussi ce serait bon de suivre leurs traces. C’est ce qui nous est arrivé.
Derrière le rêve fou il y a aussi une réalité plus âpre qu’il faudra gérer. Le choix du bateau, son équipement pour la sécurité et pour notre confort ne sont que les prémices du voyage. L’apprentissage aux gréements et aux manœuvres, la mécanique du moteur, l’électricité à bord, la plomberie sont autant d’éléments à maîtriser si on veut s’assurer d’une plus grande sécurité. Il faut aussi des fusées de détresse des cornes de brume, des bouées de sauvetage, des VFI, des lignes de survie, des harnais, etc.
En navigation le facteur principal c’est la sécurité car les éléments ne pardonnent pas à celui qui les ignore. Le vent, cet élément si fluide, peut, lorsqu’il monte à plus de 35 nœuds vous brasser passablement et vous jeter sur la côte. La mer lorsqu’elle se monte et devient menaçante avec des vents contraires et ses déferlantes, peut vous coucher un voilier dans le temps de le dire. Les bateaux sont en sécurité lorsqu’ils sont amarrés au port, mais ce n’est pas pour cela qu’ils ont été construits, c’est pour prendre le large. Ils sont généralement construits pour en prendre beaucoup plus que leur équipage.
Alors qu’en est-il lorsqu’on lâche les amarres?
Il y a toujours un certain stress à quitter la terre ferme. Un voilier c’est un peu comme un petit vaisseau spatial qui se meut dans des éléments mouvants et en des territoires inconnus. C’est le plaisir de découvrir à chaque instant de nouvelles situations de nouveaux paysages. C’est aussi l’obligation de rester toujours présent au moment qui passe et de prendre les meilleures décisions.
À bord l’espace est restreint, il faut une discipline rigoureuse pour que tout le matériel soit logé correctement et retraçable facilement. Question d’hygiène, très important, il faut gérer la réserve d’eau, les déchets, le réservoir sceptique. Pour la bouffe aussi il nous faut prévoir et pouvoir conserver les aliments. Le frigo tire 3.5 ampères sur nos batteries qui doivent être régulièrement rechargées par la génératrice, l’éolienne, les panneaux solaire, et si le vent et le soleil nous privent de leur aide, il y a encore l’alternateur du moteur. Le diésel est précieux, il faut économiser. L’eau douce aussi est rare et l’eau chaude encore plus.
Certains navigateurs sont seuls à bord, d’autres en couple et d’autres encore en famille. IL faut beaucoup d’harmonie pour occuper un si petit espace à plusieurs, 12 pi x 35pi. La longueur du bateau est bien relative et dépend aussi des humeurs.
Une journée commence par un bon ménage et tout sécuriser pour que tout ne se retrouve pas par terre au fond du bateau à la fin de la journée quand on s’est bien fait brasser par la houle. Puis il y a les préparatifs : vérifications usuelles du moteur et des gréements. Radio VHF, instruments et pilote automatiques sont mis en marche et vérifiés. On sécurise aussi tout sur le pont et on remonte le moteur du dinghy sur son socle. On s’assure que le plein est fait avec le diésel qu’on a filtré. On s’assure que les voiles sont bien à poste et que tout est prêt.
Puis c’est le départ, on lève l’ancre ou on lâche les amarres et on prend un cap vers la destination prévue.
Qui a dit que naviguer était un rêve? Il faut être de tous les instants présent à ce qui se passe. Anticiper , prévoir, décider, corriger le cap… Mais il y a aussi admirer le paysage, observer les oiseaux et les dauphins, s’extasier devant le soleil levant ou couchant, les couleurs, les nuages, le vent, l’eau et l’infini…
Il y a les merveilleux repas pris à bord, le moments de solitude à la proue du voilier qui file dans le vent…
Mais il y a surtout cette fierté, le soir venu, d’avoir parcouru quarante ou cinquante milles de plus vers l’objectif d’arriver nulle part en particulier!
Perdre la notion du temps, mais toujours savoir où l’on est.
Rencontrer des gens merveilleux qui comme nous, comme les oies sauvages fuient le froid vers des eaux chaudes et limpides. Partager un repas et nos histoires de navigateurs.
Il faut être un petit peu fou, oui je l’avoue!
On rêve tous d’un jour ou l’on pourra être un peu fou!
Pierre
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
1 commentaire:
Pierre, quel beau récit tu nous fais de la vie de marin.. C'est tellement vivant qu'on s'y croirait. Ta plume est belle, ta vision des choses aussi. La notion de rêve quand il faut être si attentif et présent à ce qui se passe autour et devant soi. Bravo. Votre voyage on le vit avec vous tellement vous arrivez à nous le faire aimer et comprendre. Merci
Marie
Enregistrer un commentaire