samedi 27 septembre 2008

De New York à Cape May


Pendant notre séjour à New York, on a fait du vélo dans les magnifiques pistes cyclables qui longent la rive ouest et dans Central Park. On n’avait pas la tête aux musées tel que prévu. De très belles journées à se promener dans les différents quartiers, découvrir les nombreux marchés de rues avec toute l’animation multiculturelle qui s’y retrouve. À certains moments, on se croirait en Europe, à d’autre moment, on est au Mexique. Naturellement, en vélo, on cherche les petites rues quand on n’est pas dans les pistes cyclables. Cela nous fait découvrir toutes sortes d’architectures de maison, ce qu’on aime beaucoup.

Dimanche soir 21 septembre, on apprend qu’un système météo violent s’installe à Cape May pour remonter au nord et s’empirer à Sandy Hook, là où on prévoyait se rendre mardi ou mercredi. Changement de cap donc car on a une fenêtre de 2 jours pour se rendre à Cape May tout de suite et se mettre à l’abri avant l’arrivée du système. Si on reste ici, on y sera pris jusqu’à dimanche prochain. La décision est donc prise rapidement de partir dès 6h00 am demain matin. Dommage, on manquera Monique qu’on n’a pas réussi à voir. On espérait encore la retrouver à partir de Sandy Hook. L’urgence est donc immédiate à préparer notre route, sécuriser tout et dormir.

Lundi matin 22 septembre, départ à 6h30. On estime une vitesse de 5 nœuds, bons vents portants et courants favorables.. Ce qui nous fait une navigation, sans interruption, de 26 heures. On devra se relayer pour dormir. Le pourrons-nous, compte tenu de l’énervement que représente pour nous cette première sortie dans la vraie mer? On prévoit ainsi arriver à Cape May à un moment propice pour la marée, les vents et les courants annoncés.

On sort du port de New York sans problème, on est attentif, très attentif! À la hauteur de Sandy Hook, on prend le large, à 3 mille nautiques des côtes (5,4 km), on prend la direction sud, vers Cape May. On est très fiers de nous. On met les voiles et notre vitesse passe à 7 nœuds (13 km/hre) facilement. Les vents sont favorables, mais la vague est grosse et pas très longue, ce qui a pour effet de perturber notre voilure. C’est quand même enivrant. Les estimations sont refaites à la lumière de notre vitesse actuelle et nous pouvons prévoir notre arrivée plus tôt, aux petites heures mardi matin, i.e. 3h30 am. L’avantage est que nous serons moins fatigués, mais l’inconvénient est que nous devrons entrer de nuit dans un port que nous ne connaissons pas autrement que par les guides qu’on suit religieusement. Heureusement qu’on a les instruments et le GPS! Après vérification, on constate que c’est une bonne heure pour arriver car nous serons à un moment où la marée s’installe, moins de mouvement par conséquent.

Le vent forcit beaucoup. Des 10 à 15 nœuds annoncés, nous en sommes à 20 nœuds. On entre les voiles, pour n’en laisser qu’un peu et on remet le moteur. Le vent forcit encore, avec des coups de vent jusqu’à 25 et quelques fois 30 nœuds (55 km/hre). Ça commence à être inconfortable. Pas question de dormir. On a besoin l’un de l’autre. Ce n’est pas le vent qui est difficile, mais les vagues. On se fait ballotter comme un bouchon de liège sur l’eau. On est vraiment très content de voir comment le bateau se comporte. Il se couche parfois à 45 degré, mais on se sent vraiment en sécurité. Toutefois, c’est très exigeant. On est un peu inquiet pour l’arrivée à Cape May. Comment allons-nous entrer dans le port avec ces vagues qui frisent parfois le 10 à 15 pieds (estimation arbitraire, mais c’est définitivement plus que les 5 pieds annoncés)? La nuit en plus!

De toute façon, on ne peut pas reculer, on est dans la soupe et il n’y a qu’une chose à faire et c’est de la boire. On se relaie à la barre et à la navigation. Nos dernières estimations s’avèrent justes et précises pour ce qui est de la route, mais, de toute évidence, le système météo a pris de l’avance et nous constatons qu’il est en train de se bâtir. Malgré tout ça, on est heureux d’être là et surtout, d’y être ensemble. On se demande pourquoi on est ici, dans ce merveilleux projet. On est vraiment dedans maintenant. Qu’avons-nous fait pour mériter cette chance?

Enfin, à 20h00, lorsque la noirceur s’installe en même temps que la fatigue, on commence à être inquiet, de plus en plus inquiet. On ne se le dit pas (pas tout de suite), parce qu’on sait que l’autre a besoin d’un soutien fort et confiant. On fait une bonne équipe, surtout dans les moments où on se sent en « mode survie ».

Sur la côte (et sur les instruments) on voit les villes qui se succèdent, toujours à distance de nos 3 milles nautiques. Atlantic City qui éclaire le ciel. C’est assez impressionnant. On arrive à Cape May à l’heure prévue, pile! Les vagues sont devenues énormes et cassées. On tente une entrée à travers les balises mais il y a tant de lumières de toutes les couleurs sur la côte que c’est confondant. Encore une fois, vive la technologie! Tout à coup, un énorme tourbillon nous débalance complètement. Une vague plus grosse que les autres s’en dégage, pleine d’écume blanche. Il faut dire que c’est de toute beauté, mais notre préoccupation à ce moment là n’a rien d’esthétique, croyez-moi! Pierre est à la barre, aussi fort que le bateau lui-même, et il reprend le cap. Prendre le cap est une expression inappropriée car le vent est si fort et les vagues si impétueuses qu’on avance « en crabe ». L’adrénaline est à son maximum.

On entre dans le port et là, miracle, les vagues et le vent s’apaisent. Il fait noir, on ne voit pas bien les balises et l’aire de jeu est trop restreinte pour qu’on puisse se fier aux instruments. On réussi à repérer un espace pas trop profond pour jeter l’ancre… L’ancre jetée, juste à côté du quai de la garde côtière (peut-on être plus en sécurité?) on se chauffe une bonne soupe lipton, on ferme tout et on se couche. OUF! OUF! OUF! Il est 4h00 du matin. Demain, on ramassera tout le bordel du carré. Il y a pas mal de choses par terre avec tout ce brassage, mais rien de fragile…

On est maintenant mercredi, 24 septembre. Notre ancre tient bon, malgré les 20 à 30 nœuds persistants. Le ciel est beau. Hier, Françoise a dormi comme un bébé sur le pont, bien emmitouflée dans son duvet, avec un petit réveil juste à temps pour savourer un magnifique coucher de soleil. On se félicite d’être passé à travers cette expérience sans aucun pépin. On est vraiment très content. Pierre sort son accordéon.



On est à environ 1 kilomètre de la ville de Cape May en zodiac. On ira quand les vents baisseront car on hésite à laisser le bateau, seul à l’ancre, avec des vents pareils. En attendant, on est bien et confortable, et on arrive quand même à se brancher sur internet de temps en temps (le signal est inconstant).

Jeudi 25 septembre. À 7h00 am, les vents forcissent jusqu’à 35 nœuds (40 m/hre). Raksha chasse (i.e. l’ancre glisse). Le vieux quai et le muret de roches sont trop proches. On doit désancrer, remonter l’ancre et s’éloigner. Le vent est si fort que le bateau a de la difficulté à garder un cap. Il veut virer. On réussit à se réancrer plus loin, mais on n’est pas certain. Sur la radio, un voilier voisin (Saggitta) nous suggère de mettre une deuxième ancre. On ne l’a jamais fait, et comme tout ce qui nous arrive dans cette nouvelle vie, on va l’apprendre. La manœuvre est réussie et Raksha retrouve sa mouvante stabilité. Encore une fois, on est fier de nous, « on l’a eu ». Entre temps, un autre bateau a chassé vers nous. Il s’en est aperçu à temps et il a décidé de chercher un meilleur ancrage ailleurs.

Il y a quelque chose d’enivrant dans ce combat avec la nature. Le vent nous parle tout le temps. Il nous dit « je m’en viens et ça va être ta fête » . Quand j’entends ça, je sors à toute vitesse et je regarde les instruments pour y constater l’envolée des nœuds. Ensuite, le vent se calme, il se fatigue peut-être? Mais non, il se donne un nouvel élan pour revenir encore et encore. Les prévisions météo nous ont bien préparé et si elles se réalisent complètement, on aura un répit ce soir, avec la pluie qui viendra abattre le vent. Et la guerre sera gagnée.



À suivre… La mise à l'épreuve

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Vous avez l'air de vrai pros, C'est allucinant de vous voir sur la mer et naviguer.Je vous souhaite un très bon viayge et lacher pas.

Louise